Brève introduction à l’analyse d’impact

Comme nous l’avons indiqué dans un précédent article, la notion d’impact est au cœur de l’économie régénérative. Pour une entreprise qui souhaite être la plus régénérative possible, l’analyse et la mesure d’impact sont donc deux activités clés. Cet article propose une introduction à ces notions.

1. Pourquoi faire une analyse d’impact ?

Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles une entreprise peut être amenée à faire une analyse d’impact : 

  • Pour des raisons de conformité réglementaire. Il s’agit alors d’une démarche contrainte, encadrée par des exigences de reporting. On peut citer l’exemple du reporting extra-financier défini par la CSRD. Il peut exister de nombreuses autres réglementations qui s’imposent à l’entreprise, notamment selon son secteur d’activité.

  • Pour des raisons de conformité à une norme ou un label choisi par l’entreprise. Il s’agit alors d’une démarche volontaire, ou sous contrainte relative, encadrée par les exigences formelles de la norme ou du label choisi. On peut citer l’exemple de la norme ISO 26000 ou du label B Corp.

  • Pour des raisons de communication ou de marketing lorsque l’entreprise souhaite valoriser ses impacts positifs auprès de ses parties prenantes. Ce motif peut être le prolongement du motif précédent si l’entreprise souhaite par exemple afficher un logo de label ou de norme sur ses produits ou ses supports de communication.

  • Pour des raisons d’information ou d’aide au choix des consommateurs. C’est le cas de tous les dispositifs d’indicateurs, d’indices, de référentiels destinés à informer les consommateurs sur une caractéristique du produit ou de l’offre qu’ils achètent. On peut citer le cas de l’affichage environnemental, des indices de consommation énergétique, du Nutriscore, etc.

  • Pour des raisons de business model, lorsque celui-ci repose sur la valorisation d’un ou de plusieurs impacts, ce qui implique de les mesurer et de les expliciter.

  • Dans le cadre d’une démarche d’innovation durable ou d’éco-conception, pour permettre à l’entreprise d’évaluer les impacts environnementaux, sociaux ou autres, de tel ou tel choix de conception. Nous avons eu l’occasion d’aborder ce sujet dans un précédent article.

  • Pour des raisons de pilotage ou de management interne de l’activité de l’entreprise, dans toutes ses dimensions. C’est le cas tout simplement de la gestion économique, commerciale et financière de l’entreprise (impact économique). Mais ce peut être le cas également avec le suivi d’indicateurs de qualité de la production (impact opérationnel interne), ou d’indicateurs de satisfaction des clients (impact opérationnel externe) ou encore de suivi des accidents du travail (impact social interne). C’est le cas également dans le cadre d’une démarche de gestion des risques, qu’ils soient opérationnels, financiers ou autres.

  • D’autres raisons encore ?

Selon les cas, l’analyse et la mesure peuvent donc être : 

  • volontaires ou contraintes

  • à destination interne ou externe

Lorsque l’analyse et la mesure d’impact sont à destination externe, que ce soit de manière volontaire ou contrainte, dans un contexte de reporting ou de simple communication, elles rentrent alors dans une perspective de communication, d’image, d’influence des parties prenantes (clients, investisseurs…), ce qui peut donner lieu à un marketing de la divulgation. Ce marketing doit alors s’effectuer dans un esprit de responsabilité et d’honnêteté, selon les principes du marketing durable. Nous reviendrons sur ce point dans un prochain article.

Quoi qu’il en soit, la diversité des motivations justifie qu’une démarche de coordination globale de l’analyse d’impact soit mise en place afin que le travail d’analyse ne soit pas redondant ou réalisé en doublon, ce qui occasionnerait une perte de temps et d’argent, avec un risque de mesures contradictoires. Il est préférable que ce travail soit mutualisé en termes de compétences (partagées entre plusieurs personnes ou confiées à des experts qui travaillent avec plusieurs équipes internes ou sur plusieurs projets d’analyse), de méthodes, d’outils numériques de gestion de l’analyse d’impact (bases de données, logiciels dédiés…), etc. 

Finalement, le défi pour une entreprise, et l’objectif qu’elle doit se fixer, consistent à être convaincue que prendre en considération son impact ne correspond pas à “faire des choses en plus”, à “subir une contrainte supplémentaire” qui entrave son activité, mais plutôt à “faire des choses différemment”, en l'occurrence, à adopter un regard différent sur son activité et sur la gestion de cette dernière, au bénéfice d’un meilleur résultat de celle-ci.

2. Considérer quatre catégories d’impacts

Les craintes ou la frilosité des entreprises face à la mesure d’impact proviennent du fait que la plupart d’entre elles ont aujourd’hui une approche partielle de la gestion de l’impact. Elles considèrent prioritairement l’impact financier, via les résultats comptables, et l’impact opérationnel, c’est-à-dire les résultats de leur production. L’impact opérationnel est à la source de l’impact financier : l’entreprise est rémunérée pour ce qu’elle produit. Dans la doxa libérale, l’impact financier est l’objectif ultime et la raison d’être de l’entreprise. C’est le fameux point de vue énoncé par Milton Friedman en 1970 dans son article intitulé The social responsability of business is to increase its profits (« La responsabilité sociale des entreprises est d'accroître leurs profits »).

Depuis, la réflexion sur le développement durable a fait évoluer la perception de ce qui importe dans la gestion de l’activité d’une entreprise. Cela s’est traduit notamment par l’ajout de deux dimensions d’impact : l’impact environnemental et l’impact social. Utiliser le terme d’impact est d’ailleurs nouveau, et souvent associé à ces deux catégories, mais rarement aux impacts économiques et opérationnels. C’est pourquoi on parle d’économie de l’impact ou d’entreprise à impact. Cela pourrait laisser entendre que les impacts économiques et opérationnels ne sont pas des impacts. Il nous paraît plus intéressant de considérer au contraire que toutes ces dimensions sont des impacts, qui doivent donc être tous pris en compte avec un niveau égal d’importance dans la gestion de l’entreprise car ils contribuent tous au business model et à la réussite de l’activité de l’entreprise. C’est en tous cas le fondement de la gestion des entreprises régénératives, qui font de la gestion des impacts environnementaux et sociaux de leur activité des critères aussi importants que la gestion des impacts économiques et opérationnels. La matrice d’impact Acovia présentée dans un article précédent a pour objectif de prendre en compte ces 4 catégories d’impact.

3. Les étapes du cycle de l’impact

Pour une entreprise, gérer ses impacts consiste à prendre en considération les différentes étapes de cycle de vie de chaque impact. Ce cycle de vie de l’impact, ou cycle de gestion de l’impact, suit lui-même le cycle d’activité de l’entreprise, très proche de ce qu’on appelle aujourd’hui le cycle de production ou le cycle de vie du produit, et qui fait l’objet de l’analyse du cycle de vie du produit (ACV). Ce cycle peut être décomposé en 4 étapes principales : 

  1. Design de l’impact

  2. Production de l’impact

  3. Mesure de l’impact

  4. Management de l’impact

Ce cycle itératif est très similaire aux cycles de production agile, lean startup, PDCA, test & learn, etc. Chacun de ces cycles a en effet pour objectif d’améliorer l’impact de la production, selon différents critères et dans différents contextes, mais il s’agit toujours de méthodes d’amélioration de l’impact de la production et de l’activité. Une entreprise a donc tout intérêt à rapprocher sa gestion de ces différents types de cycles plutôt que de les considérer isolément.

Dans ce contexte, l’analyse d’impact s’inscrit donc tout aussi bien dans une logique d’innovation, que de transformation ou d’amélioration continue de l’activité

4. Les deux sens de l’analyse d’impact

Dans une vision systémique, l’analyse d’impact peut se faire dans deux directions : 

  • De l’intérieur vers l’extérieur (inside-out), c’est-à-dire l’impact de l’entreprise sur son écosystème (économique, social et environnemental).

  • De l’extérieur vers l’intérieur (outside-in), c’est-à-dire l’impact de l’écosystème (économique, social et environnemental) sur l’entreprise.

On retrouve exactement ce principe dans l’analyse de double matérialité qui est au cœur du reporting de la CSRD.

5. Tendance réglementaire à l’analyse d’impact

De plus en plus de réglementations, notamment européennes, contraignent les entreprises à effectuer, directement ou indirectement, des analyses d’impact. On peut citer la CSRD, la CSDDD, l’AI Act, le Digital Services Act, etc. Pour information, cette carte des réglementations du Green Deal dénombre 170 réglementations et directives, réparties dans 11 catégories ! Cette “inflation réglementaire” n’est pas sans susciter des protestations chez de nombreux acteurs économiques et politiques, qui considèrent ces contraintes comme génératrices de surcoût et n’en voient pas la valeur ajoutée. La meilleure manière d’envisager ce surcroît de travail consiste selon nous à le valoriser dans son business model par une divulgation et une valorisation des impacts positifs de l’activité de l’entreprise. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point dans de prochains articles. À minima, faute de valorisation à court terme, il nous paraît judicieux de coordonner ou de mutualiser l’approche relative à toutes ces réglementations, afin de minimiser leur coût pour l’entreprise. C’est en grande partie la raison d’être d’Acovia : aider les entreprises et les organisations à opérer de la meilleure des manières ces différentes activités d’analyse d’impact, puis à les valoriser dans un business model et une approche régénératifs.

6. Impact ou valeur ? Analyse d’impact ou mesure d’impact ?

L’analyse et la mesure d’impact ne correspondent pas exactement au même périmètre. L’analyse d’impact est plus large que la mesure d’impact. Cette dernière n’est qu’une partie de l’analyse d’impact. À titre d’exemple, l’analyse d’impact inclut également l’identification des impacts potentiels, en amont de la mesure elle-même. Le paragraphe suivant consiste justement à décrire les différentes étapes de l’analyse d’impact.

De la même manière l’impact et la valeur représentent deux périmètres différents. La valeur correspond à un impact qui a été qualifié, voire mesuré. En un sens restreint, le sens économique, la valeur correspond à un impact qui a été évalué économiquement. La question de la valorisation, voire de la monétarisation, des impacts environnementaux est au cœur de la réflexion de l’économie écologique. La question plus large encore de la valorisation ou de la monétarisation des impacts environnementaux et sociaux est au cœur de la réflexion de l’économie régénérative.

Afin de prendre connaissance de ces notions de manière plus détaillée, nous vous invitons à consulter un rapport de France Stratégie publié en février 2023 et intitulé Impact(s), responsabilité et performance globale.

On y retrouve d’ailleurs la liste suivante de définitions de l’impact : 

7. Les étapes de l’analyse d’impact

Dans un précédent article sur ce sujet, nous avons indiqué qu’un impact est une relation dont on a identifié les conséquences. Notre recommandation est donc d’inscrire l’analyse d’impact dans une logique d’analyse systémique, ce qui permettra de lui donner le plus de force possible pour votre organisation. Grâce à cela, vous pourrez également adopter la démarche la plus efficace possible de gestion de la donnée dans votre système d’information.

Dans cette perspective, l’analyse d’impact comporte donc de nombreuses étapes :

Nous aurons l’occasion dans de prochains articles de décrire de manière plus détaillée ces différentes étapes.

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